« Jadis il avait un grand pays légendaire qu'an appelé Ys ».
(E que s'apelerio Quezac')
C'est sur cette introduction cryptique en franponais (la langue des vrais héros) que s'ouvre Ys Origin, premier jeu d'une chronologie qui ne cesse d'aller et venir dans le temps, ramenant ici aux racines du mythe autant que de la saga éponyme. Ys, fer de lance de la société de développement Nihon Falcom aux côtés des Brandish, Sorcerian et autres Legend of Heroes, inscrit à sa manière le folklore breton dans le petit monde des vidéoludies.
On serait légitimement en droit de s'interroger sur la raison de cet emprunt confidentiel, là où la référence à l'Atlantide aurait semblée plus indiquée (ou, en tout cas, plus à la mode dans le champ de la Fantasy). Après tout, les deux fables ne sont que des variations sur un même thème, vraisemblablement des échos d'un unique récit fondateur, adaptés au contexte de leurs diffusions respectives... On y retrouve la même cité illustre, engloutie en une nuit pour avoir trop déçu les dieux, ou trop tenté le diable, propre à alimenter maints fantasmes et à inspirer maintes recherches archéologiques.
Mais alors, dans ces conditions, pourquoi aller chercher une légende régionaliste du lointain royaume de France, et faire de l’Allemagne la terre natale du héros ? Une certaine conception de l'exotisme, sans doute. Une façon pour les développeurs d'exalter l'imaginaire des joueurs japonais, plaçant l’attrait de l'inconnu au centre de leurs préoccupations narratives.
Nous sommes en 1987 et l'Atlantide a été explorée en long, en large et en travers dans les œuvres de la pop-culture, si bien qu’en dépit des nombreux mystères qui l’entourent, le public a le sentiment de déjà la connaître, il sait par anticipation ce qu'il peut y trouver. Avec Ys, c'est une autre histoire - dont on ignore tout au pays du soleil levant. Le nom n'en est que plus évocateur, en ce sens (paradoxal) qu'il n'évoque rien. Les concepteurs du jeu n'ont d'ailleurs besoin de rien d'autre, ils n'ont aucun désir d'être fidèle au récit dont ils s'emparent et dont ils ne retiennent que les grandes lignes, empruntant également à d'autres variations, que ce soit la cité fictive de Laputa (à laquelle Miyazaki a dédié une belle déclaration d'amour), à la Tour de Babel que la licence transforme en passage obligé, au Jardin d'Eden ou à l'Atlantide, justement, dont elle s'approprie le peuple supérieurement évolué. Qu'importe si le ton général reste typiquement nippon et si ce melting-pot conduit à quelques contresens (le terme « Ys » évoquant une submersion plutôt qu’une élévation), car la raison de ce choix est ailleurs.
La Bretagne - vue d'artiste (japonais)
Les artworks conceptuels ne trompent pas, non plus que les inénarrables séquences d'introduction, plus occupées à dégrader les teintes, jouer de la lumière, aligner les décors ou animer des mouettes qu'à dépeindre des combats ou annoncer l'intrigue : sous ses dehors d'Action-RPG minimaliste, de jeu de niche destiné à un public d’initiés non francophones, Ys s'est toujours voulu, vendu, pensé comme une invitation au voyage, un passeport pour l'ailleurs. Son personnage principal n'a ni voix, ni caractère à part entière : il est l'Aventurier au sens archétypal du terme, celui que rien n'arrête, qui n'agit ni par grandeur d'âme, ni par nécessité, ni par intérêt personnel, mais parce qu'il ne sait rien faire d'autre, parce qu'il doit avancer, parce qu’il veut voir plus loin. Avec, au coeur de l'entreprise, cette question intemporelle : « qu'y a-t-il, au-delà de cette colline, de cette rivière, de cette montagne ? Quels trésors, quels secrets, quels peuples indigènes ? ».
Une question que se pose Adol Christin depuis son plus jeune âge, et qui le pousse à quitter son village natal sitôt ses 16 ans révolus pour découvrir le monde. Un naufrage plus tard (premier d'une longue liste et certainement emprunté à Gulliver), le voilà lancé sur la piste d'une antique civilisation, une utopie mythologique dressée comme un pont entre les hommes et les dieux, la science et la magie, le sacré et le profane, dont il ne subsiste que quelques vestiges couverts de mousse, quelques dangereux artefacts convoités par des individus peu recommandables. Voilà posée en quelque mots l'essence de cette série jadis réservée aux fins connaisseurs et qui, depuis la PSP, n'a cessé de faire de nouveaux adeptes, séduits par sa saine simplicité et son charme à l'ancienne. Une série qui fête ses 30 ans et qui a toujours occupé une place privilégiée dans mon parcours de joueur, au même titre que Final Fantasy ou que Castlevania.
C'est Yoshitaka Amano, peintre attitré des Final Fantasy, qui signe l'artwork de la jaquette
du premier épisode sur X68000. Comme quoi, tout est dans tout !
Alors que son huitième chapitre vient de sortir chez nous et que le spin-off Origin a eu les honneurs d'une version physique inattendue, il semblait impensable de ne pas lui rendre un vibrant hommage à la manière de son personnage principal : sous forme de carnet de voyage.
Mon voyage.
Retour rapide sur plus de vingt ans d'explorations en duo.
Des paysages, plutôt que des personnages. Le ton est donné.
* Wanderer from Ys (Megadrive, 1991) :
Le monde est encore jeune, tout est encore à faire. Je viens d’avoir quinze ans. Deux de moins qu'Adol Christin, pourtant pas plus haut que trois pommes et quelques dizaines de pixel sur l’écran bombé de ma vieille télé à tube. De lui, j'ai la silhouette dégingandée et la fascination pour Ys, ce territoire inaccessible entraperçu à la faveur des pages import des magazines de l’époque (inaccessible car réservé aux possesseurs de PC Engine CD Rom, rares, car fortunés - je n'apprendrais que bien plus tard l'existence d'une version Master System). Fébrile, j'ai mis la main sur une version américaine du troisième épisode, égaré on ne sait comment dans les rayons de mon revendeur habituel ; et la jaquette hideuse n'a pas suffi à me décourager, malgré ses sous-conans cosplayés en Maîtres de l'Univers.
Ramstein's Odyssey Through the Land of Metal
La Super Nintendo n'est pas beaucoup mieux lotie, même en version japonaise.
SURTOUT en version japonaise !
Sur le fond comme la forme : un épisode à part dans cette chronologie naissante, de par son scénario déconnecté (relié sur le tard à la trame générale), son défilement horizontal plutôt que multidirectionnel (Zelda II est passé par là !) ou sa durée de vie réduite en proportion, mais je ne m’en formalise pas, trop heureux que je suis d’avoir la chance de m’y frotter sur ma Megadrive d’occasion !
Passée l'introduction (généreuse, mais mollassonne), puis le seul et unique village du jeu, direction les grands espaces ! Dès les premières notes, je suis happé. Le soft n'est pas bien beau, c'est tout juste s'il se démarque avantageusement par ses scrollings différentiels, mais il a quelque chose d'unique : quelque chose dans l'ambiance, dans son rythme frénétique, sa bande-son rock, décalée, sa concision, la cohérence avec laquelle ses niveaux sont reliés les uns aux autres... Aux commandes de la version Megadrive (pardon : Genesis !), le studio Telenet Japan (Valis, Arcus Odyssey, Exile, ...) a fait de l'excellent boulot, contrairement à son rival Tonkin House et à sa honteuse mouture Super Famicom, massacrée de bout en bout, musiques en tête - un vrai blasphème. Car que serait Ys, sans son soundtrack à la Guilty Gear avant l'heure ? Il fallait les oser, les riffs guitare et les coups de cymbales anachroniques, loin des attentes que le joueur serait en droit d'avoir dans ce cadre médiévalisant. Un vrai coup de génie, de la part de Mieko Ishikawa, qui prend ici le relais du grand Yuzo Koshiro (Street of Rage, Sonic, Shinobi, ...) avec qui elle a travaillé sur les précédents, et dont les compositions irréprochables poussent la 16 bits de Sega jusque dans ses derniers retranchements (là encore, chapeau bas à Telenet, qui a exploité à la perfection les sonorités si particulières de la console, ses lignes de basse marquées, ses effets stéréo, pour proposer une transposition audacieuse presque plus pêchue que l'originale - ce qui n'est pas un mince exploit).
Si tu vas pas chercher bonheur, bonheur viendra à toi quand même !
Un vrai régal pour les oreilles, et à plus forte raison au casque, au point qu'à chaque nouvel environnement, l'immobilité est de mise : interdiction de toucher à la manette tant que le nouveau thème ne se sera pas répété deux fois, au moins, ce serait péché.
Autre excellente surprise : la fluidité de l'action. L'armure d'Adol n'est pas bien encombrante, certes, mais elle ne devrait pas lui permettre de se déplacer avec une telle célérité. Le petit rouquin tourne-t-il au café sans filtre, aux produits dopants, au PCP, ou bien souffre-t-il d'une forme extrême d'hyperactivité ? Sans doute un peu de tout ça simultanément, mais qu’à cela ne tienne ! Ce que le jeu perd en réalisme, il le gagne en efficacité.
Efficacité, c'est bien le maître mot de son gameplay qui, comme le protagoniste lui-même, va droit à l'essentiel. Trois coups à peine (normal, sauté, accroupi), cinq épées, cinq armures, cinq boucliers, cinq anneaux et puis baste. C'est bien assez pour vaincre l'entité maléfique qui manipule les ambitieux et étend son pouvoir en terres de Felghana. Bien assez pour sauver la belle Elena et conquérir son cœur par accident (l’amour, Adol s'en fiche, c'est pas son truc, sauf si c'est celui de la découverte).
L'épopée elle-même se boucle en une poignée d'heures mais ce n'est qu'un détail : elle est suffisamment intense pour combler le joueur d'alors (en général) et surtout me combler moi (en particulier) : je prends plaisir à le recommencer, encore et encore et encore, pour me re-régaler de ses surprises comme au tout premier jour, jusqu'à son dénouement qui me laissera/m'a laissé/me laisse toujours une marque indélébile. Pour sa cinématique artisanale, d’abord, pour ses roulement de tambours martiaux (absents des versions concurrentes, et quel dommage pour elles !), mais surtout pour son épilogue plein de sagesse, un rien méta, comme l'histoire des jeux vidéo n'en aura produit que trop peu (« Une aventure d'Adol s'achève. Mais c'est aussi pour lui le début d'un nouveau périple, car sa soif d'inconnu ne tarira jamais, quelles que soient les terres qu’il foulera, quels que soit les personnes qu'il rencontrera sur sa route. Né dans un petit village de montagne, Adol a commencé son grand voyage alors qu'il n'avait que seize ans. Aujourd'hui, il est célèbre dans le monde entier. De tous temps, en tous lieux, les gens ont toujours été attirés par l'horizon, qui les a parfois conduits à prendre la route pour aller voir au-delà. L'histoire d'Adol pourrait bien être celle qui aiguisera votre curiosité et qui marquera le début de votre propre légende ». Si naïf que ça puisse sonner aujourd’hui, on pourrait difficilement faire plus en accord avec l'esprit du jeu, ou plus enthousiasmant pour les futurs adultes que nous étions alors).
Ys : une question de regards dans le lointain.
On a beau faire, tous les chemins ramènent à Adol - pour preuve : ayant revendu la cartouche pour pouvoir acheter un nouveau titre (El Viento ? Gaiares ? Landstalker ? Phantasy Star IV ?), je n’aurais pas tenu trois mois avant de courir jusqu’à la boutique pour y racheter mon exemplaire, sa copieuse marge en plus. C'est donc vrai, ce qu'on dit : un seul être vous manque et tout est dépeuplé. On oublie de préciser qu'il est roux et qu'il balance des coups d'épée comme personne.
* YS IV : Mask of the Sun (Super Famicom, 1993)
Saut dans le temps. J'ai dix sept ans.
Ça m'est arrivé comme ça, sans prévenir, il a bien fallu que je fasse avec et que j’apprenne à voir le bon côté des choses.
Je retrouve enfin mon poto Adol et à présent, nous sommes sur un pied d'égalité - même jour, même heure, même pomme. Il n'a pas pris une ride, je n'en ai pas encore (hélas, l'acné ne s'est pas montrée aussi conciliante), nous étions fait pour élucider ensemble le mystère du masque du soleil, main-dans-le-pad. Du moins élucider est-il un bien grand mot car cette fois, le jeu est en japonais, le vrai, celui qu'on parle au japon, là où on collectionne les mouchoirs brodés et où on fait toute une histoire quand il s'agit d'aller dîner dans les restos végétariens. Il y gagne en pittoresque ce qu'il perd en compréhension. Un ami m'a prévenu, pourtant : on bloque sur la fin. Si mes souvenirs sont bons, l'avant-dernier donjon fait de la résistance. Oh ça, il doit y avoir quelque chose à faire quelque part, bien sûr, pour que pivote cette cloison amovible, mais quoi ? A qui parler ? Sur quel switch caché appuyer ? Ça n'aura l'air de rien, aujourd'hui, mais internet ne nous sera d'aucun secours vu qu'il n'existe pas. Par chance, je suis du genre borné : ce n'est pas la destination qui compte, mais le voyage, pas vrai ?
Alors voyageons.
Du soulagement, d'abord : nous sommes sur Super Famicom mais Tonkin House a tiré les leçons de l'épisode III : la musique tabasse dès l'intro, on n'a pas appuyé sur « start » qu'on est paré à en découdre. Aussi retardé-je l'instant fatidique avec délectation, le temps d'apprécier quelques boucles de son thème principal, puis je me lance, le curseur d’entrain à son maximum. Retour au gameplay canonique de la série. Dorénavant, c'est en contreplongée que je suivrais les déambulations de mon Young Indiana Jones préféré ; et je vais vite comprendre le pourquoi de cette tignasse rouge feu - il faudra bien ce point de repère explicite pour garantir une certain lisibilité d'action.
Réflexe de baroudeur, je cherche le bouton pour donner des coups d'épée, en vain. Après quelques tâtonnements perplexes, voire agacés, je comprends qu'Adol n'est pas du genre à ranger son épée dans son fourreau, il n'est pas homme à faire dans la dentelle - ou uniquement avec ses adversaires. Toujours aussi véloce, il devra embrocher ceux-ci en leur rentrant littéralement dans le lard, mais attention, pas n'importe comment non plus, ce serait trop facile : il devra les percuter sur son côté droit (celui qui tient l'épée et qui ne la lâche pas), sans quoi c'est lui qui encaissera de douloureux dommages. Ça se joue à quelques pixels, et il faudra au joueur autant d'instinct que de précision pour maîtriser la chose. Si les ennemis traditionnels, les araignées, les piafs, les hamsters du chaos ne posent guère de problèmes pour peu qu'on ait le niveau adéquat (3, c'est le chiffre porte-bonheur pour s'atteler aux Ys old school), les boss obligent à s'exposer plus qu'il n'est sensé de le faire, imposant par-là même une prise de risque à nulle autre pareille. Une erreur d’appréciation, d’équipement, de leveling et on sera zigouillé en quelques secondes, façon Dark Souls.
On croit jouer à un J-RPG, mais on éprouve souvent les sensations propres aux casses-briques, aux shoot-them-up, aux hack-and-slash - voire aux quatre à la fois. Et contre toutes attentes, ça fonctionne. Ça s'accorde même à la mesure près aux musiques survoltées de la Falcom Sound Team et à l'atmosphère générale du titre. D'un point de vue graphique, finis les dégradés subtils de Wanderers from Ys, il faut quelques minutes pour s'habituer aux aplats de couleur vifs, tranchés (on ne dira pas « laids » mais on le pensera très très fort). Heureusement, la musique suffit à faire oublier ces désagréments visuels et à embarquer le joueur vers l'infini et au-delà. On bloque sur la fin, oui. Mais pas longtemps. Il faudra plus qu'un mécanisme à la Mystérieuses Cités d'Or pour arrêter Adol. Je remue ciel et terre pour trouver comment l'activer, avec succès, à force d'allers-retours. La persévérance paie. Direction le dernier boss, qui la joue Sephiroth-before-it-was-cool. Encore une aventure rondement menée, en deux-temps trois mouvements (ou du moins est-ce tout comme, tant on n'aura pas vu les heures passer). La satisfaction est totale. Ne manquent que les tambours.
* Ys : the Animeh (sur l'écran cathodique de mes nuits noires et blanches).
Côté visuel, on tente de capitaliser sur le succès du mythique Lodoss War.
Nous sommes toujours dans les années 90, qui s'étirent à n'en plus finir comme si le monde retardait délibérément son entrée dans le troisième millénaire. On aura du mal à le croire, sans doute, tant il suffit aujourd'hui d'entrer dans une grande surface pour y trouver du Naruto, mais à l'époque, l'animation japonaise n'avait pas pignon sur rue (si on excepte la Keller à Paris. Les vrais savent). Aux yeux du grand public, elle est réduite à la vision biaisée qu'en donne le Club Dorothée (« japoniaiseries » violentes et sexuelles qu'on accuse d'être créées exprès pour abêtir nos chères têtes blondes). L'existence des mangas n'est connue que de rares collectionneurs, qui les sacralisent comme autant de compendiums occultes.
Pas de bd en librairies, pas de VHS dans les vidéos-clubs, pas d'internet (toujours !) pour grappiller l'information ou mettre en relation les membres de la secte otaku. Au mieux, on mettra le provincial en rapport avec l'ami d'un ami d'un ami qui vend sous le manteau des copies pirates de piètre qualité, dupliquées ad nauseam de magnétoscope à magnétoscope, passant aléatoirement du Pal au Secam ou au NTSC, faisant la fortune relative des quelques pourvoyeurs ayant leurs entrées à Akihabara.
On y visionne du noir et blanc, du flou, du plein de neige, on doit froncer les cils, parfois, pour distinguer ce qui s'y passe quand l'image ne saute pas, et pourtant on n'est pas à plaindre : ces aléas avaient leur charme que les moins de vingt ans ne peuvent pas comprendre, comme un parfum de découverte ou d'interdit qui donnait aux moindres trailers la valeur d'un petit trésor. Ce qui est rare est précieux, a-t-on coutume de dire sur Priceminister. Il fut un temps où cela ne s'appliquait pas qu'aux Vampire's Kiss et autres Super NES Mini ; et où l'adage avait une portée symbolique autrement moins consumériste.
Dans ces conditions, tomber sur Ys au bas d'une liste de contrebande, ça tient de l'instant-buy pour le fan aux abois (enfin, quand je dis "instant-buy", je vous parle également d'un temps sans paypal, ni e-mails, ni virements internet. Ça vous donnera une idée assez nette des délais pouvant séparer l'envoi d’un chèque et la réception du paquet). Me voilà donc casquant gaiement pour visionner le premier des sept OAV (comprendre : direct-to-video) adaptant l'opus d'origine.
Mes yeuuuux !!!! Meeeeees yeeeeeuuuuuxxxx !!!!!
Rembourseeeez-moiiiii meeeees yeeeeuuuuuxxxx !!!!
Déception immédiate : les musiques sont bien là, cependant elles sont bien les seules. L'animé est un pur produit de consommation petit budget comme il s'en vendait alors à la pelle, de la sous-fantasy au rabais pas agréable à regarder (designs lisses et sans vie, animation sommaire), ennuyeuse de bout en bout (narration molle, sans rythme, un comble - d'autant que l'épisode ne fait que 25 minutes !), on sent la production opportuniste destinée à surfer sur le succès de la licence.
Quelques designs préparatoires de la série. Héros, monstres et demoiselles...
Adol échoue sur un rivage lointain, est accepté par un village du coin, rencontre une bohémienne qui lui promet un destin exemplaire, aide ses nouveaux amis à repousser une cohorte de monstres, fin de l'histoire. Le teaser n'annonce rien de mieux. Atterré, je ne cherche pas à acquérir la suite. Je préfère essayer de dégoter l'un des quatre OAV consacrés à Ys II, beaucoup plus prometteurs sur le plan esthétique (au niveau du character design, notamment), mais impossible de me procurer plus qu'une bande annonce - que je regarderai sans cesse en soupirant, au son de "To Make he End of Battle".
Quant à l'adaptation du IV, elle n’aura finalement pas vu le jour et à en juger par de la séquence de démo réalisée pour démarcher les financeurs, ce n'est pas forcément un mal non plus.
Ni particulièrement bon, ni particulièrement mauvais. Juste "meh".
* Ys VI : Ark of Napishtim (Playstation 2, 2005)
Fondu au noir, ellipse temporelle, comme dans Lost.
C'est en 2005 qu'Ys revient dans ma vie, sans crier gare, par la grande porte et à petit prix. Alors que la saga n'est plus qu'un souvenir nostalgique pour le (plus si) jeune adulte que je suis, voilà que mon copain Adol s'invite chez moi avec la complicité de ma PS 2, comme s'il n'avait pas disparu de mes radars pendant près de douze ans : toujours aussi fringuant, toujours aussi rouquin, toujours aussi badass, mais avec son brevet de spadassin en poche.
Pensez donc !
Dans l'intervalle, le bougre ne s'est pas tourné les pouces opposables : il a appris à se servir d'une lame, qu'il agite à présent par simple pression de bouton, s'adaptant aux exigences d'un milieu qui ne sait plus s'accommoder de mécaniques minimalistes, si efficaces soient-elles.
Mon frigo est vide, la chambre d'amis est pleine de cartons : je ne l'attendais pas, il va falloir que je lui fasse un peu de place. Mais quelle idée, aussi, de me laisser si longtemps sans nouvelles ! J'avais bien appris par ouï dire qu’il avait pu revivre ses exploits les plus retentissants (sur PS2, toujours), mais sans que ces remakes ne suivent son exemple : bloqués à la frontière, ils ne traversent pas l’océan, m’obligeant à y renoncer, ne sachant que trop bien le sort que nos contrées réservaient alors à ces jeux de niche... aussi n'en ai-je pas cru mes yeux en tombant nez-à-nez avec ledit Adol, confortablement assis sur une étagère de chez Leclerc. Premier Ys édité chez nous - en toute confidentialité, certes, mais quelle révolution ! Désormais, les cartes du monde vidéoludique ne seront plus les mêmes, il faudra composer avec Esteria, Xandria, Canaan, Altago et j'en passe.
Bien sûr, j'aurais dû me douter qu'une surprise de cette taille exigerait quelques concessions. Je n'avais pas encore vu Full Metal Alchemist, sorti cette même année, j'ignorais tout de l'échange équivalent. D'emblée, une déception - et non des moindres : disparition inopinée de la séquence d'introduction, ce dessin semi-animé riche en dégradés pastels, et porté par l'inoubliable « Release of the Far West Ocean ». En lieu et place : une cinématique à l'occidentale, ni complètement réussie, ni totalement ratée, platement démonstrative et dépourvue de souffle épique. Une contradiction dans les termes, dans ce contexte, qui entame la balade sur une pointe d'amertume - même si de courte durée. Par bonheur, le jeu est joli, abouti, coloré, il a conservé sa nervosité, son honnêteté, ses tics de gentil bourrin - à peine plus éduqué du fait de l'ajout de nouvelles features. Si notre protagoniste est toujours vu du ciel, il peut dorénavant sauter pour asséner un coup d'épée plongeant, susceptible d'étourdir l'ennemi (comme il le pratiquait déjà dans Wanderers from Ys) ; à quoi s'ajoutent quelques pouvoirs élémentaires ainsi qu'une frappe tourbillonnante du plus bel effet, redoutable en cas d'encerclement. Si l'aspect shoot-them up s'est dilué dans cette modernité à double tranchant (bien que l'on puisse assimiler ce dernier coup aux méga-bombes d'antan), le feeling hack-and-slash répond toujours présent, fidèle au poste, sauvant les apparences.
Il faudra bien ça, car si la narration passe à la vitesse supérieure (proposant une intrigue bien plus élaborée, même si terriblement classique, pour ne pas dire cliché), dès les premières minutes, on peine à en croire ses oreilles - et pas dans le bon sens des termes. Adieu, le rock old school emblématique de la licence. Adieux, les riffs guitare et les coups de cymbales. Seuls les boss de fin de niveaux ont droit à un traitement de faveur, petits veinards, sans que cela n'excède trois ou quatre thèmes en tout. Le reste fleure bon le Secret of Mana, sans l'inspiration touchée par la grâce : les compos sont très belles, posées, enchanteresses juste ce qu'il faut, mais elles sonnent hors-sujet. Sacrée douche froide pour le fanboy, qui y a toujours vu (ou, disons, entendu) l'un des plus gros atouts de la saga (son âme, en quelque sorte), mais l'esprit d'aventure est toujours au rendez-vous alors on fait contre mauvaise fortune bon cœur et on trace la route l'épée au clair.
Au moins pourra-t-on accéder à l'intro initiale par l'entremise d'un code, en guise de récompense pour avoir vaincu cette nouvelle menace. Ce sera toujours ça de pris (en boucle).
* Legacy of Ys – Books I & II (Nintendo DS, 2009)
Tandis que sur les machines japonaises, les remakes se suivent et ne se ressemblent pas, mais que le commun des gros noobs doit se contenter d'en rêver par vidéos interposées, je retombe en enfance. Oh, pas la mienne, vous l'aurez compris (encore que), mais celle de mon alter-ego virtuel, puisque Nintendo of America a eu la bonne idée de réunir sur une même cartouche DS ses deux voyages les plus anciens, la poussière en moins, traduits dans un idiome accessible à ceux qui ne parlent pas couramment l'onii-chan-yamete. Avec, en prime et sans surcoût, un CD soundtrack rempli à ras bord (aujourd’hui ça coûterait 90 balles et on aurait l’indécence d’appeler ça un collector).
Les japonais n'ont pas eu cette chance, ils ont dû investir deux fois... et sans CD !
Hélas, une fois de plus, le passeport de ce titre n'est pas en règle, il ne doit pas quitter les States, Amazon refuse de collaborer, il faudra donc faire appel aux services d'un barbouze de première pour me procurer la compile tant convoitée. Ce barbouze, ce sera mon petit frère, installé à New York depuis quelques années pour y boire des coups et jouer du punk à l’ancienne dans des salles enfumées. Qui, mieux qu’un émule de Sid Vicious ou de Johnny Thunders, aurait été plus indiqué pour braver l’interdit au nom de mon amour coupable pour la série ? Sans doute m’a-t-il gratifié au passage d’un commentaire méprisant, mais rien qui ne fut oublié sitôt la console allumée.
Et pour cause !
Cette version portable me réserve une nouvelle surprise : à l'exception de leurs cinématiques d'intro, ces refontes ne sont pas un portage de celles sur PC. Là où ces dernières se faisaient un point d’honneur à conserver la 2D d’antan, cette déclinaison opte pour une simili 3D 32 bits qui, dans les faits, n'apporte pas grand chose, dans la mesure où le point de vue reste fixé à hauteur d'étourneaux. Nous sommes en 2009, Adol n'est pas contrariant, il continue de balancer des coups d'épées quand on le lui demande plutôt que de foncer tête baissée, à l'Esterienne. A croire qu'une page a définitivement été tournée.
Cela se joue toujours sans déplaisir, même si de façon plus conventionnelle, alors on s'applique désormais à vivre avec son temps - ou plutôt : c’est lui qui s’applique à vivre avec le nôtre -, trop ravis que nous sommes de retrouver les musiques fondatrices qui nous ont tellement fait vibrer jadis sur cassettes audio (pirates, elles aussi, ça va de soi). Si l'épisode I ressemble à un prototype, avec ses graphismes minecraftéens et sa durée de vie lilliputienne (jusque-là, les Ys n'avaient pas brillé par leur longueur - et cela faisait paradoxalement partie de leurs atouts -, mais ici, on bat des records. 4 ou 5 heures tout au plus. A peine en route qu'on attaque déjà la tour, au sens propre).
Le second se révèle autrement plus satisfaisant, car beaucoup plus complet, mieux équilibré, plus riche et surtout : beaucoup plus beau. L'occasion pour moi d'accéder enfin aux arcanes de la trame scénaristique originelle (rudimentaire, mais c'est comme ça qu'on l'aime), celle-là même qui a posé les bases de la licence et qui en forge la personnalité. L'occasion également de réécouter sans fin « To Make the End of Battle », son thème le plus célèbre, et de l'emporter partout avec soi. Obligé.
Petit comparatif. A gauche, le I. A droite, le II.
De quoi faire oublier le calamiteux Ys Strategy, commercialisé en 2006 sur cette même Nintendo DS, étrange sortie de piste qui ressemble peu ou prou à un Warcraft sous Lexomil, que l'ensemble du monde vidéoludique s'est empressé d'oublier par charité chrétienne.
On voit la jaquette, on se dit "pourquoi pas ?".
On voit le jeu, on se dit : "pouuuurquoiiiiii ?"
* Oath in Felghana (Steam, 2012)
2012.
Nouvelle fin du monde, paraît-il.
Stupeur et tremblements (d'excitation).
Comme à mon habitude, dans mes moments de grand désœuvrement, je tape « Ys » dans la barre de recherche Steam, sans y croire une seconde « mais on ne sait jamais, des fois que ce soit comme le chat de Schrödinger ». Il faut croire que la physique quantique partageait mon opinion puisque, contre toute attente, le résultat est positif. Craignant à un mirage (l'ivresse des profondeurs, peut-être), je n'attends pas les soldes pour faire chauffer la carte bleue. Il faut préciser ici que le premier titre à s'échouer sur nos rivages (formule de circonstance !) n'est autre que le remake PC de Wanderers from Ys (autant dire : le Saint Graal), qui s’est rendu célèbre sous le patronyme « Oath in Felghana » - celui qui avait arraché tant de soupirs à l'ancien ado qui sommeille en moi.
Un reboot plutôt qu’un remake, devrait-on écrire, car il est intégralement recréé à l'image de ses prédécesseurs. Finie la vue arcade sur le côté, on en revient aux fondamentaux : Adol peut à nouveau botter des croupions sans contrainte (comprendre : dans toutes les directions), tout en conservant cependant le level design initial - que cette version prolonge généreusement, sortant ses boss de la naphtaline et variant leurs patterns jusqu'à paraître vicieux. Et rajoutant des boules à pointes, aussi. C'est important, les boules à pointes, on n'en parle pas assez.
Ainsi, la promenade de santé d'hier vire au parcours du combattant, mais Adol ne s'en laisse pas conter. Sa vivacité et sa réactivité s'en trouvent décuplées, ses coups d'épées n'en sont que plus destructeurs. Ça tombe bien, il aura fort à faire pour surmonter tous les obstacles que Chester et Galbaran dressent sur sa route, mais il pourra compter sur un allié de poids pour l'accompagner où qu'il aille : une bande-son gargantuesque, réorchestrée dans les grandes largeurs, qui se hisse sans forcer sur la première marche du podium devant celle d'Ys Seven (ce qui n'est pas rien).
Jamais auparavant l'énergie de thèmes-cultes tels que The Boy's got Wings ouValestein Castlen'aura été si communicative. On bataille beaucoup, au propre comme au figuré, mais on s’y colle comme dans un rêve. Suivront ensuite Ys Origin (seule extension de la saga qui boude Adol au profit d'autres personnages), puis les remakes d'Ys I et II, le portage d'Ys VI (identique à la version PS2 - les succès en sus) et enfin Ys Seven, venu tout récemment étoffer ce beau catalogue. De quoi remplir les poches de Gabe Newell sans trop d'hésitation. Pour ceux qui voudraient découvrir sans prendre de risques (les fols !), il reste toujours les soldes.
* Ys sur papier (parcheminé)
Le temps est venu d’opérer un petit détour par la case manga, au hasard des opportunités du net, parce que ce sont les petits détours qui font les grands voyages. Si la série a été déclinée en plusieurs romans, artbooks, manuels de jeu de rôle et autres ouvrages de qualité variable, elle a également eu l'honneur de deux adaptations BD (sans compter les spin-off et les recueils de strips en quatre cases, le fameux « 4 Koma Manga » auxquels ont droit la plupart des jeux à succès).
La plus récente (2009) et la plus sage de ces transpositions prend le récit à son point de départ mais y plaque des designs au goût du jour, avec son Adol filiforme aux traits mélancoliques. L'autre, celle dont il sera question dans ces lignes, sort en 1989, deux ans après la sortie du premier opus sur PC-88 et MSX-2.
Loin de jouer la carte du respect obséquieux, elle s'amuse à brouiller les pistes et à réinventer tant les designs que la mythologie (comme c'était souvent le cas lorsqu'il était question d'adapter des jeux vidéo, alors - Final Fantasy en tête). Assumant sans complexe son fan-service inoffensif, son humour naïf (gentiment lourdingue), son esthétique eighties (dynamique bien qu'approximative, et dénuée de personnalité), il ne se gêne pas pour piétiner sans malveillance le matériau de base, avec une exubérance aussi jubilatoire que déconcertante (en un mot : japonaise). Quelques exemples parmi des centaines d'autres : la narration renverse les rôles, l'aventure commence par Adol qui découvre le corps de Reah, inconsciente, sur la plage (nue, comme il se doit). Pris au dépourvu (comme on le comprend !), il ramène la naufragée au village où il a été élevé par son grand père adoptif, ignorant tout du drame qu'il s'apprête à causer (c’est de notoriété commune, on ne se méfie jamais assez des femmes nues). Forcé à fuir quand des monstres donnent l'assaut, c'est presque à contrecœur qu'il entame un périple semé d’embûches et de révélations hautes en couleurs. Il découvrira notamment (et nous avec lui) que ses deux parents appartenaient au peuple des Eldeen (ainsi qu’on appelle les habitants d'Ys) et qu'ils ont lutté en héros pour défendre leur cité contre les hordes de démons qui souhaitaient s'en emparer. Il apprend également qu'il a un frère aîné passé du côté obscur, et une soeur cadette prénommée Lilia (oui, tout à fait, la Lilia du chapitre II), restée « au pays », haut dans les nuages. Au nombre de ses alliés, il peut également compter Feena, reconvertie en guerrière amazone, de même que sur Dark Fact, boss final à temps partiel, qui se range à sa cause une fois mis à genoux (mais est-ce vraiment sincère ?). Pour le côté foutraque, ajoutons quelques personnages issus de Sorcerian (autre grand succès de chez Falcom), et quelques caméos des grandes stars TV du moment (entre autres : Wataru / Adrien le Sauveur du Monde).
Feena. Si.
Autant dire qu'à la lecture ("au feuilletage" serait plus juste, ne lisant pas la langue), on enchaîne les « What the F*ck ? ! » à chaque page, sans trop savoir s'il faut s'enthousiasmer ou se facepalmer jusqu'au sang. Show Hagoromo, l'auteur aux commandes, n'aura pas marqué l'histoire des mangas (rien d’étonnant à cela), mais on notera en special thanks un nom qui nous est familier - et non des moindres : Eiji Otsuka, qu'on connaît aujourd'hui pour avoir scénarisé plusieurs œuvres seinen majeures telles que Leviathan, Detective Ritual ou MPD Psycho. Autant dire qu'il est ici loin des obsessions macabres qui lui auront valu sa notoriété...
* Memories of Celecta (PS Vita, 2012) – aussi vendu sous le titre, autrement plus évocateur, de « Foliage Ocean in Celecta »
2016. A peine m'offre-t-on une PSVita (sur le tard, je sais) que je cours acheter l'ultime exemplaire physique de Memories of Celceta dispo dans la région. J'ai raté Ys Seven, il est hors de question que je passe aussi à côté de ce énième remake non numéroté (oui, c’est assez compliqué à suivre, comme chronologie). Car Memories of Celceta entend dépoussiérer le quatrième épisode de la saga - ou plutôt : LES quatrième épisodes, car pour quelque obscure raison éditoriale typiquement nippone (sans doute), il en est sorti deux : le Dawn of Ys de la PC Engine (considéré comme canonique) et Le Mask of the Sun de la Super Famicom. S'appliquant à lier leurs intrigues respectives (lesquelles, par chance, ont beaucoup en commun), cette nouvelle itération se veut plus longue, plus complète, plus moderne que jamais.
Et là, c'est le drame, comme on dit. Le pré-ado de 13 ans en moi n'accroche pas. Oh, bien sûr, le jeu est péchu, les musiques virevoltantes à l’identique, Adol continue de se démener comme un accro au crack en pleine phase de sevrage et les espaces sauvages n'ont jamais été aussi vastes, ni si longs à cartographier.
Seulement voilà.
Nous sommes au XXIème siècle.
Le joueur lambda ne saurait s'en contenter. Il faut du craft, il faut de la quête annexe, il faut de l'upgrade, il faut des attaques spéciales personnalisables, il faut de l'esquive, il faut de la parade, il faut des groupes de trois, bref, il faut du contenu ; et tant pis s'il est superflu ou s'il n'apporte rien - ou même s'il est aux antipodes de son essence profonde : bien que le titre n'ait jamais eu besoin de ce genre d'artifices pour imposer sa marque, ils se doivent d'être là, sinon gare aux critiques ! D'autres plus illustres que lui ont payé ces manques au prix fort.
Conséquence immédiate : Ys se démocratise, arrondit les angles, se botoxe les fossettes, s'adapte aux désidératas du plus grand nombre - peu importe si le mieux et le mal ont en commun d’être l'ennemi du bien. Le jeu reste prenant (très !) mais il perd en magie, il sacrifie son caractère unique, frondeur, pour toucher le cœur de quelques milliers de fans en plus. Ys est désormais un A-RPG, un vrai, un peu plus speed, un peu plus rentre-dedans que la moyenne, mais un A-RPG malgré tout. Alors qu'hier, Adol explorait le monde à la manière d’un Mike Horn, en solitaire, et que la moindre rencontre était vécue comme un bouleversement, un de ces oasis d'humanité qui adoucissent les survival horror, il s'entoure aujourd'hui comme un animateur de talk-show. Les bavardages fusent en permanence, le silence ne se fait jamais, on cause, on cause, on cause, et la plupart du temps pour ne rien dire. Jadis implacable, le rythme de la progression s'en trouve haché, saucissonné, étouffé comme un steak entre deux tranches de pain grillé (deux tranches de dialogues grillés, le cas échéant). La peur du vide. Pour le remplir : du bruit, du brouhaha, un tour d'horizon dans un car plein de touristes. A droite, les arbres. A gauche, les monstres. Merci d’être venu. N'oubliez pas le guide.
Le scénario suit le mouvement : pour faire grimper le compteur horaire, il se perd dans une même superficialité, s'étire en délayage, sans rien proposer d'assez substantiel pour fixer l'attention. La licence n'a jamais brillé par ses intrigues-prétextes, qui n'assuraient que le minimum syndical pour placer l'exploration au cœur du gameplay, tout ayant été dévoilé dans les deux chapitres d'ouverture. Celle de Celceta ne fait pas exception, mais son étalement sur plus de vingt heures, ses discussions interminables, sa façon malhabile d'associer ces deux intrigues la desservent plus qu'ils ne l'avantagent. Le crafting n'apporte rien : on pourra sans ciller se frayer un chemin parmi les hordes d'ennemi sans rien fabriquer par soi-même, ni rien améliorer. Idem pour les skills programmables : à quoi bon en proposer par paquets de cent quand, au final, on n'aura aucun mal à pourfendre les big boss en n'utilisant que les premiers à disposition (j’emploie le pluriel ici pour la forme). Changer de personnage en plein combat ? Là encore, à quoi bon, si ce n'est rendre l'action plus confuse, alors qu'elle manque déjà de lisibilité ? A quoi bon octroyer des forces et des faiblesses aux armes, rapport aux types d'adversaires rencontrés (comme dans un Vagrant Story du pauvre), s'il suffit d'appuyer sur un bouton pour incarner le guerrier adéquat ?
En termes de gameplay, la richesse est artificielle. On pourrait finir le jeu à la régulière, sans adjuvants, ni attributs, si seulement les options le permettaient. Hélas, elles ne le permettent pas. Alors je soupire, je râle, je peste, parce que le jeu est bon (il est même excellent, mais je ne l'admettrai qu'avec un verre dans le nez), parce que ça reste du Ys et que ça garde son charme, et que c'est fluide, et que c'est frénétique, mais parce que ce n'est plus que l'ombre de la série qui m'était chère. Un avatar consensuel pour plaire au plus grand nombre. Preuve s'il en est besoin que le secret d'une recette réussie ne tient pas à la quantité d'ingrédients employés, mais à la manière dont on les associera. Une leçon de sagesse que les crafteurs en herbe gagneraient à méditer.
* Ys VIII – Lacrimosa de Dana (PS4, 2017)
Je termine Celceta juste à temps pour m'essayer à la démo gratuite du petit nouveau - version PS4, s'il-vous-plaît. Même constat, même déception. Les mêmes effets pour les mêmes causes. Bien que le jeu à proprement parler soit plus beau que jamais, il est indigne de s'afficher sur un écran HD (même s’il est beaucoup plus beau qu'un titre PS2, contrairement à ce qu'on peut lire sur la toile. A croire que les gens ont la mémoire courte quand il s’agit de trouver des punchlines).
Développé pour la Playstation Vita, il reprend à son compte tous les menus défauts qui m'avaient gâché le plaisir dans l’épisode précédent : et c'est reparti pour du combat en équipe, du dialogue de fanfic' skyblog (la traduc' n'arrange rien), du crafting à deux sous et des skills à foison. Un temps, j'hésite à l'acheter, mais Adol reste un pote à qui je peux tout pardonner - même si j'ai maintenant plus du double de son âge. Car un pote, ça ne se laisse pas tomber sous prétexte qu'il ne sait pas s'entourer ou qu'il n'est plus exactement celui qu'on a connu enfant (que dirait-il de moi, lui, si on lui donnait la parole?).
A trop atermoyer, j'ai loupé le collector, je ne veux pas laisser passer l'édition Day One avec son artbook Pimousse (petit, mais costaud) et son CD anorexique. Aussi angoissé qu'impatient, je lance le jeu pour l'essayer, c'est la tradition, en attendant de pouvoir m'y abandonner cœur et âme. Une grande première pour la licence : la caméra passe dans le dos des personnages, l'univers se déroule sous les yeux du joueur autant que du joué, sublimé en une 3D anachronique, modélisée à la pelleteuse, mais pas moins grisante pour autant.
On y retrouve la sensation d'espace, l'appel de l'inconnu, le souffle épique qui faisait l’attrait de ses prédecesseurs, on soupire d'aise et on trépigne intérieurement. Pour commencer, Adol est seul et ça fait toute la différence. On espère qu'il le restera longtemps, mais on ne se fait aucune illusion. On sait qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour occire un écureuil (c'est qu'ils sont teigneux, sur l'île de Seiren), il faudra supporter le babil des compagnons d'armes aux cheveux mauve fluo et s'en accommoder. Bah, se dit-on de guerre lasse, on a bien fini Celceta. En la matière, le petit nouveau pourra difficilement faire pire. Et puis si la sauce ne prend pas, je pourrais revenir à mes premières amours, brancher la Super NES (la Supaboy, en l'occurrence, mais chut !) et arracher enfin le V, Lost City of Kefin, à son écrin de carton bariolé.
Ys V : Lost City of Kefin. A gauche, la version "classique".
A droite, la version "expert", sortie quelques temps plus tard et proposant
une difficulté plus élevée, à la demande des fans.
Nul doute que j'y retrouverai tout ce qui me manque, servi par une réalisation qui faisait alors honneur à la 16 bits de Nintendo, capable d'en remontrer aux plus beaux titres de Square.
Ou bien je pourrais refaire le IV, ou le VI, ou le I, ou le II, ou m'atteler à ce Ys Origin (à moitié prix sur le PSN jusqu'au 16 novembre) dont je viens de recevoir l'édition physique estampillée Limited Run (collector limité, mais pas très folichon, avec son poster plié en trente-douze et son livret-artbook).
C'est que j'ai dû me battre pour en obtenir un, pensez donc, les spéculateurs sont au taquet à chaque nouvelle sortie de l'éditeur, le doigt rivé sur la touche F5, prêt à presser celle-ci frénétiquement et à encaisser les bénèfs (toute peine, même minime, mérite salaire). Je loupe la mise en vente à cause du décalage horaire, je hurle à la lune, je guette le final batch. Sur le moment, je pense l'avoir loupé mais soudain : commande validée, je n'ai plus qu'à attendre (payer, avant toute chose). Je ne suis pas volé : rien qu'acheter le jeu était déjà une épopée. J'ai beau le posséder sur Steam depuis un bail, l'enthousiasme à réception n'est pas feint, non plus que celui au lancement du jeu. Retour vers le passé, avec cette fausse 3D à la Star Ocean 2, mais retour triomphant.
Oubliés les épisodes plus modernes : le charme opère dans la seconde, avec un maître-mot : « simplicité », renouant avec l'efficacité des premières heures. Comme ses protagonistes, le jeu va droit au but, il ne se perd pas en circonvolutions inutiles et ça fait toute la différence. Adol n'est pas de la partie, ma foi, vu comme il se démène, il a droit à ses RTT. Il lui reste tant à explorer, encore. Plus de trente ans qu'il traîne ses guêtres sur les routes et chemins, quand il ne s'invite pas dans des cross-over confidentiels, et pourtant ses errances débutent à peine - ou peu s'en faut. Au loin, là-bas, se découpent les côtes du continent Afroca, celui-là même qu'il désire explorer depuis qu'il a quitté la maison familiale.
Il n'a que 23 ans.
Sa biographie lui en donne quarante devant lui.
Gageons que l'on n'a pas fini d'entendre parler des exploits du légendaire red haired swordman...
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Chronologie de la saga :
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Ys Origin
Age d'Adol : 800 ans avant sa naissance.
Lieu de l'aventure : Tour de Darm
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Ys I : Ancient Ys Vanished (1987)
Age d'Adol : 17 ans
Lieu de l'aventure : Esteria (Bretagne, France)
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Ys II : Ancient Ys Vanished – The Final Chapter
(1988)Age d'Adol : 17 ans (suite directe du précédent)
Lieu de l'aventure : Ys
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Memories of Celceta(2012) – Ys IV : Dawn of Ys(1993) – Ys IV : Mask of the Sun(1993) – Ys IV : Mask of the Sun : a New Theory (2005)
Age d'Adol : 18 ans
Lieu de l'aventure : Celceta (Espagne)
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The Oath in Fleghana(2005) – Ys III : Wanderers from Ys
(1989)Age d'Adol : 19 ans
Lieu de l'aventure : Felghana (Suisse)
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Ys V : Lost City of Kefin
(1995)Age d'Adol : 20 ans
Lieu de l'aventure : Xandria (Alexandrie - Egypte)
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Ys VIII : Lacrimosa of Dana
(2016)Age d'Adol : 21 ans
Lieu de l'aventure : Île de Seiren (Îles Saroniques - Grèce)
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Ys VI : Ark of Napishtim
(2003)Age d'Adol : 23 ans
Lieu de l'aventure : Vortex de Canaan (Triangle des Bermudes – Océan Atlantique)
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Ys Seven
(2009)Age d'Adol : 23 ans (le jeu prend place six mois seulement après Ark of Napishtim)
Lieu de l'aventure : Altago (Carthage – Afrique du Nord)
Et demain ?
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Galerie Bonus (je n'ai pas réussi à tout caser dans l'article, et ce n'est pas faute d'avoir essayé) :
Et pour celles et ceux qui n'auraient jamais assez de belles images, une excellente nouvelle :
Le volumineux artbook dédié à l'ensemble de la saga (jusqu'à Celceta)
est dispo en anglais sur Amazon, à un prix relativement correct.
Allez, puisqu'on est lancés, lançons l'intro de Ys Seven aussi, ça ne mange pas de pain.
Rarissimes, quelques model kits d'époques dédiés aux principaux protagonistes.
Et quelques pistes audios supplémentaires pour la route...
Le reste du voyage, c'est à vous de le vivre en solitaire, maintenant.
This post may be the one to arouse your curiosity, and it could be the start of your own adventure...
Coeur avec les doigts.